« Pour voir correctement un objet se situant à une centaine de mètres, je dois me tenir à une distance de 6 mètres. »
Depuis environ 30 ans, Guillaume est atteint d’albinisme oculaire. Aux yeux de la loi québécoise, il est considéré comme aveugle et ne peut pas conduire. Sur son compte Instagram g_tailly, il œuvre à la sensibilisation de la maladie en partageant son quotidien avec résilience.
« Quand j’étais plus jeune, mon nystagmus [NDLR : mouvements oculaires saccadés et involontaires] était très prononcé. En revanche, il a diminué avec l’âge et ne se remarque quasiment pas. D’ailleurs, les personnes que je rencontrais ne se rendaient pas forcément compte que j’avais cette déficience visuelle. Plus jeune, j’étais aussi très photosensible. Je devais avoir une prescription de verres adaptée à l’intensité lumineuse. Pour une raison que j’ignore, cette photosensibilité a quasiment disparu avec les années.
En primaire et en secondaire, on ne s’adaptait pas tellement aux élèves qui présentaient des déficiences visuelles. Par exemple, je n’avais pas de documents imprimés en (plus) gros caractères. Comme je ne voyais pas bien le tableau, il fallait qu’on avance mon pupitre en classe, à tel point que je me suis retrouvé presque collé au tableau. J’avais l’air un peu en retrait et j’ai pu me sentir stigmatisé pour cela. J’étais tellement mal à l’aise que je l’ai vécu comme un traumatisme. Pour la suite de mes études, je ne me suis plus jamais rapproché du tableau. J’ai développé d’autres mécanismes pour compenser : par exemple, ma mémoire auditive. J’écoutais le professeur et j’étais capable de prendre moi-même mes notes et j’ai réussi la majorité de mes examens avec succès.
Désormais, dans ma vie de tous les jours, je n’y pense plus, pour être franc. J’ai développé tellement de stratégies avec les années pour vivre avec cette maladie. La technologie m’a d’ailleurs beaucoup aidé. J’utilise notamment une application qui me sert de ‘‘loupe’’ pour lire n’importe quelles instructions. Les seules choses que je trouve encore un peu difficiles aujourd’hui, c’est par exemple les sous-titres de films lorsque je suis loin de la télévision. Et c’est vrai que je suis encore gêné à l’idée de devoir me rapprocher à l’excès d’un simple menu au restaurant : cela représente un véritable challenge.
En revanche, j’ai vraiment apprivoisé ma maladie. Elle fait partie de moi, mais elle ne vient plus accaparer mes pensées comme lorsque j’étais plus jeune où être différent était très difficile pour moi. Aujourd’hui, je fais de ma différence une fierté. »
Guillaume Tailly.
Commentaires (0)